Produire et utiliser le Fichier des Écritures Comptables est devenu un enjeu fort pour les cabinets d'expertise comptable depuis maintenant plusieurs années. Mais comment les jeunes professionnels perçoivent-ils ce fichier et comment envisagent-ils de s'en servir aujourd'hui et dans le cabinet de demain, alors que de profondes mutations s'annoncent pour leur métier ?
Les réponses d'Olivier Gruffy, responsable numérique au sein de l'antenne francilienne de l'Association Nationale des Experts‑comptables et Commissaires aux comptes Stagiaires (ANECS).
Je n'ai pas de position officielle et parler pour l'ensemble des cabinets me semble très ambitieux. Néanmoins dans leur ensemble, les cabinets se sont aujourd'hui appropriés le FEC, qui est une obligation fort utile.
En matière de numérisation, la profession avance à grands pas et tous les cabinets font face à une contrainte temporelle puisque la loi de finances pour 2020 prévoit l'obligation, à partir de 2023, d'utiliser la facturation électronique dans les échanges BtoB. Une nouvelle étape dans l'automatisation des traitements comptables sera franchie. « Demain », les cabinets qui n'auront pas passé le cap de la digitalisation auront des perspectives variées…
Le FEC est un produit travaillé dont les écritures comptables forment le matériau de base. Le fait que la comptabilité se retrouve sous un format standardisé induit beaucoup de changements pour le cabinet. Désormais, il est aisé d'exporter une comptabilité d'un cabinet à un autre : les clients deviennent alors plus volatiles… Le FEC permet aussi de faciliter les échanges entre les cabinets et de renforcer la qualité du lien entre les partenaires.
Comme évoqué précédemment, utiliser le FEC permet de s'absoudre des différences de logiciel comptable entre deux cabinets.
L'analyse du FEC d'un nouveau client permet de contrôler les écritures et déceler d'éventuels problèmes. Le professionnel pourra alors orienter sa mission. En matière fiscale, le FEC permet de repérer les zones de risques et anticiper les mesures à prendre pour éviter un éventuel contrôle fiscal.
Le FEC peut également être utilisé pour mieux évaluer les missions à vendre. L'importance et la fréquence de problèmes et risques relevés sont une source d'argumentation pour proposer des missions complémentaires.
Tous les outils et en particulier les outils de traitement de données doivent aider le professionnel à développer le portefeuille client en qualité et en volume.
Côté expertise comptable, le pilotage stratégique des cabinets est directement impacté. La production et l'examen périodique des FEC, lorsque cela est nécessaire ou parce qu'une politique de contrôle qualité impose cette étape, permet de vérifier rétrospectivement le travail fourni et d'en améliorer la qualité le cas échéant. On travaille à assurer une progression permanente des services fournis aux clients et de fait, du ratio de satisfaction client. Le 75e Congrès des experts‑comptables, « Management x Marketing x Marque : l'équation gagnante au service de la relance économique », a largement argumenté ces thèmes.
L'accélération des cycles de production d'états et documents de gestion et financiers est une réalité à laquelle les professionnels ont largement contribué pendant la crise COVID-19.
Les commissaires aux comptes trouvent également leur avantage à utiliser ce fichier, « jeu de données disponible et fiable ». Leurs travaux sont ainsi plus pertinents, et leur démarche plus efficiente.
Les traitements « data » prouvent aussi leur utilité dans une démarche d'aide à la décision stratégique auprès des clients concernés. L'utilisation d'outils de BI autorisent les missions à forte valeur ajoutée.
L'analyse multi-FEC ouvre la voie d'une comparaison sectorielle des portefeuilles clients : on peut rapidement identifier des divergences et un éventuel « vilain petit canard ». Ce peut être l'occasion d'adapter ses travaux en conséquence et de proposer des conseils motivés au client concerné.
Si l'on pousse le raisonnement à l'extrême, cela peut déboucher sur le choix de ne pas travailler avec cette entreprise si elle persiste dans de mauvaises pratiques après en avoir été alertée, afin de s'épargner des nuits blanches ! C'est alors un choix de qualité de vie.
Les nouveaux entrants dans la profession sont conscients des impératifs du métier, et ceux qui créent leur cabinet ex nihilo cherchent naturellement à éviter les clients à problèmes et les nuits blanches récurrentes… Parallèlement, la volonté de progresser est également importante, que ce soit comme salarié ou comme indépendant. L'enjeu est de trouver un équilibre. La digitalisation des cabinets va dans cette direction. L'automatisation de certaines tâches, par exemple les analyses de cadrage TVA, dégage du temps à l'expert-comptable sur des tâches chronophages à faible valeur ajoutée.
Avec de nouveaux outils digitaux, ils sont en mesure d'évaluer plus rapidement les risques de chaque dossier et donc choisir la clientèle qui leur convient.
Le numérique donne également de la flexibilité aux professionnels du chiffre quant à leur lieu de travail, en leur permettant de renouveler la relation clientèle. La visioconférence et le télétravail prouvent leur efficacité dans la crise actuelle.
Je tiens à faire remarquer que ces enjeux de qualité de vie au travail ne sont pas spécifiques aux jeunes générations d'experts‑comptables. Ils concernent l'ensemble des classes d'âge et tout professionnel peut s'approprier ces technologies, pour autant qu'il s'en donne les moyens.
De nouveaux outils apparaissent, c'est le sens de l'histoire. Il faut se les approprier. Cela ne dépend pas seulement de l'appétence des experts‑comptables pour ces technologies et de leur capacité à démontrer aux clients la valeur ajoutée générée, mais aussi de l'intérêt des clients pour ces outils. La démarche commerciale est de plus en plus récurrente.
En matière de nouvelles technologies, on peut citer la dématérialisation des factures, déjà en cours pour le B2G (Business to Government) et étendue au B2B à compter du 1er janvier 2023 (Loi de Finance 2020), ainsi que les outils d'exploitation de la data (intelligence artificielle, visualisation des données…). On peut également parler de blockchain, plus confidentielle.
Des outils existent déjà, comme suivre en temps réel le cycle client O2C (Order-to-Cash), ou des solutions autour de la Gestion Électronique des Documents (GED) par exemple. Diverses plateformes intégrées sont disponibles. Les outils de BI ou traitement de données sont maintenant bien présents et, sans parler d'utilisation courante, les adeptes représentent un groupe en croissance permanente. Je peux le constater lors des présentations d'outils de BI à l'ANECS Paris IDF. On peut noter que les besoins en formation sont bien réels, l'approche « data » n'étant pas encore automatique. Une période d'appropriation est absolument nécessaire.
Ces outils dynamiques (on parle de mise à jour des données en flux quasi-constant) offrent aux professionnels la possibilité d'organiser leurs travaux selon des schémas et des séquences radicalement différents. La maîtrise opérationnelle de ces outils est essentielle pour définir une vision stratégique objective du cabinet.
On peut raisonnablement dire que ces nouvelles technologies vont occuper une place primordiale dans le cabinet de demain.
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Parler de dévaluation n'est pas approprié car on assiste, via le passage à l'industrie 4.0, à un changement radical des outils de traitement de l'information. Ces changements disruptifs requièrent formation, accompagnement et adaptation. Certains cabinets ont déjà franchi le pas.
Certes, on constate différentes approches en termes de facturation des services. On peut entendre que la saisie tend à être donnée et que le conseil est valorisé.
Mais elle n'en demeure pas moins importante car une matière première de mauvaise qualité génère logiquement des travaux supplémentaires. La data sera, in fine, de mauvaise qualité. L'un des enjeux pour les cabinets est d'améliorer la qualité de ce travail, ce que permet l'analyse du FEC.