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Vers un dépôt systématique du FEC ?

Rédigé par Manon Mougin | 28 mai 2020

Si la production du FEC à chaque clôture est déjà une réalité pour de nombreux cabinets d'expertise comptable, la vérification de ce fichier n'est pas encore un automatisme. Pourtant, plusieurs éléments laissent penser qu'à l'avenir, l'administration fiscale pourrait s'orienter vers un dépôt systématique de ce fichier.

Pour les professionnels du chiffre, cela impliquerait un changement culturel et organisationnel, afin de systématiser aussi le contrôle du FEC.

L'introduction du Fichier des Écritures Comptables (FEC) en 2014 puis sa remise obligatoire en cas de contrôle fiscal ont représenté une petite révolution pour les entreprises mais aussi pour leurs experts-comptables. Or, cette nouvelle obligation ne pourrait être qu'une étape vers sa transmission systématique à l'administration.

 

Une prise en main progressive du FEC par les cabinets

Lors de la mise en place du FEC, de nombreux experts-comptables se sont reposés sur leurs éditeurs de logiciels. « Ils ne pouvaient envisager qu'un FEC généré à partir de ces logiciels ne soit pas correct », décrypte Jean Saphores, ancien président de la commission informatique de l'Ordre des experts-comptables et fondateur d'ECF Services. Cependant, dès 2015, des rejets de comptabilité ont prouvé le contraire.

Aujourd'hui, dans la plupart des cabinets, la production du FEC fait partie intégrante des opérations de clôture. Cependant le fichier n'est vérifié que lorsqu'il est demandé, à l'occasion d'un contrôle fiscal de l'entreprise cliente. « Une majorité de confrères n'a ainsi jamais ouvert un fichier FEC », constate Jean Saphores.

Mais cela pourrait rapidement changer car, pour lui, cela ne fait aucun doute : « Nous allons vers un dépôt annuel du FEC » !

 

Une tendance à la communication systématisée des données

La mutation du contrôle fiscal est une réalité globale. « En matière de fiscalité, l'OCDE recommande à un niveau européen le dépôt, sur une plateforme de l'administration, de l'ensemble des éléments de sa comptabilité : FEC, factures et données de caisse », souligne Jean Saphores. En France comme ailleurs en Europe, cela se traduit par un mouvement vers l'Etat-plateforme. Cette stratégie de transition numérique de l'Etat entend faciliter la circulation des données entre les administrations.

L'un des objectifs est de faire naître des services « tout-en-un » afin de limiter les redondances déclaratives, comme le prévoit le programme « Dites-le-nous une fois ». Mais la « plateformisation » de l'Etat vise aussi à améliorer la lutte contre la fraude fiscale. De nombreux changements ont déjà vu le jour.

 

De premiers jalons posés

La présentation du FEC est devenue obligatoire en 2014 à chaque contrôle fiscal. En 2016, la procédure d'examen de comptabilité, basée sur l'analyse à distance de la comptabilité, est créée.

S'agissant des données de caisse, une réforme impose depuis 2018 aux commerçants assujettis à la TVA de disposer d'un logiciel de caisse sécurisé et certifié.

Concernant les factures, plusieurs étapes ont déjà été franchies. La Loi de Finances Rectificative de 2012, les décrets et BOI de 2013 précisent notamment les modalités de la facturation électronique avec trois possibilités : l'EDI, l'utilisation de fichiers signés électroniquement ou la mise en place d'une piste d'audit fiable. Des standards ont vu le jour comme le format Factur-X. La facture électronique et l'utilisation du portail Chorus Pro sont désormais une obligation pour les transactions des entreprises avec les entités publiques.

L'article 153 de la loi de finances pour 2020 va plus loin, et prévoit la généralisation de la facturation électronique et la transmission des données des factures à l'administration entre 2023 et 2025.

 

Demain : dépôt systématique et contrôle automatique du FEC ?

Pour Jean Saphores, le dépôt systématique du FEC avec la liasse fiscale serait la suite logique de cet enchaînement. « Une fois que l'administration aura mis en place la plateforme pour le dépôt des données de facturation inter-entreprises, le dépôt systématique du FEC ne sera plus qu'une formalité », estime-t-il. Déjà, la norme EDI-TDFC utilisée pour la télétransmission des déclarations de résultat permet l'ajout d'une pièce jointe, qui pourrait potentiellement être le FEC. Certains évoquent même sa communication à chaque déclaration de TVA.

Ce n'est pas encore acté. Des changements politiques, le contexte économique ou des difficultés techniques peuvent remettre en cause ce futur qui se dessine. Mais s'il se concrétise, les conséquences seront majeures.

Avec le dépôt systématique du fichier, on peut imaginer le franchissement d'une nouvelle étape dans l'informatisation du contrôle fiscal. La plateforme de dépôt du FEC pourrait intégrer des algorithmes d'analyse du fichier, sur le modèle de ceux déjà utilisés par la DGFiP avec Alto 2. « Nous nous dirigeons vers un contrôle fiscal permanent », résume Jean Saphores.

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De nécessaires adaptations des cabinets

La perspective d'un dépôt systématisé des éléments de la comptabilité de leurs clients impose aux cabinets de s'adapter. « Les experts-comptables vont devoir s'habituer au fait que leurs travaux seront systématiquement analysés sur la forme. Celle d'une facture pourrait déterminer par exemple la possibilité de déduire la TVA », illustre le spécialiste.

Cela suppose de ne plus s'en remettre aux éditeurs pour assurer la conformité du FEC. En effet, les fichiers générés par les logiciels comptables ne sont pas exempts d'anomalies. Ces dernières peuvent être de l'ordre de la rupture de séquence, de centralisation d'écritures, ou encore d'une date de validation non cohérente avec la date légale de comptabilisation… Même lorsque les FEC font plusieurs milliers de lignes, les cabinets doivent être capable de repérer facilement et rapidement ces anomalies tant sur le format du fichier que sur la qualité des enregistrements comptables.

Les collaborateurs des cabinets aussi devront modifier leurs pratiques et abandonner leur habitude de mentionner dans les écritures comptables certaines informations. Le libellé « frais sans justificatif » est par exemple susceptible d'attirer l'attention de l'administration. Il faut donc former les collaborateurs afin d'harmoniser les pratiques et assurer la rigueur de la saisie pour une plus grande transparence.

En termes d'organisation, extraire le FEC à chaque clôture ne sera plus suffisant. « Le fichier devra être contrôlé en amont de la validation des écritures », conseille Jean Saphores. Si certains sont d'avis que d'ici quelques années, le FEC pourra être exigé à une fréquence mensuelle ou trimestrielle, nous n'en sommes pas encore là. Néanmoins, ce fichier se révèle être un outil efficace de prévention du risque. Son analyse régulière est un bénéfice évident pour les clients du cabinet.

Des efforts de formation et une réflexion sur les moyens des cabinets seront donc nécessaires. A l'avenir, il ne faut plus percevoir le FEC comme une contrainte, mais comme un gisement d'opportunités pour le cabinet tant en interne qu'auprès de ses clients. Ainsi, le FEC pourra devenir une source d'informations précieuses pour conseiller au mieux le client, servir de base pour les missions de gestion et d'accompagnement, ou encore permettre de faciliter les échanges entre les différentes applications.